Laure témoigne
Quand j'étais au collège, je prenais toujours le bus pour partir à l'école et rentrer chez moi. Nous avions toujours le même conducteur, et très souvent il laissait entrer les élèves qui avaient oublié leur carte de bus sans rien dire parce qu'il nous connaissait de visage. Il se contentait d'un petit commentaire pas très énergique pour les quelques rares cas qu'il voyait pour la première fois ou qu'il ne reconnaissait pas, mais il ne faisait jamais d'histoire.
Un jour, alors qu'on s'apprêtait à partir du collège, une fille - très jeune, elle était en sixième - a couru vers nous et il a ouvert la porte. C'était le début de l'année, elle semblait un peu perdue, comme beaucoup à leur entrée au collège, et elle est montée en s'excusant. Elle n'avait pas sa carte. Quand elle le lui a dit, elle a paru encore plus embarrassée et s'est excusée de nouveau. Je pensais qu'il allait la laisser passer sans faire d'histoire, comme il le faisait toujours. Ca ne s'est pas passé ainsi.
Il lui a dit : "Tu n'est pas Française ?" et la fille, après un moment de confusion, a répondu qu'elle l'était. Mais il a insisté. "Non, tu ne l'es pas." Il ne voulait pas la faire entrer. Il a secoué la tête et lui a demandé, d'un air dégoûté : "Tu es Roumaine ?" Elle s'est exclamée plus fort : "Non, je suis française !", mais il lui a répondu qu'il ne laissait pas les Roumains monter dans son bus. Elle a commencé à paniquer (comme je l'ai écrit, elle était très jeune, ce n'était qu'une gamine, et c'était le dernier bus pour rentrer dans notre village) et au bout d'un moment le conducteur a cédé et l'a acceptée.
Je ne l'ai jamais vu faire de commentaire quand un autre élève oubliait sa carte. Même quand celui-ci se montrait irrespectueux envers lui. Jamais.