Français_d'ailleurs témoigne
Je suis un jeune homme français, ma compagne est malgache et nous avons un magnifique enfant de deux ans aujourd'hui qui a les deux nationalités, puisque la loi des deux pays le permet.
Il y a un peu plus d'un an, lors d'une période "creuse" comme beaucoup en rencontre entre deux emplois, je reviens quelques temps en France accompagné de ma petite famille, dont c'est le premier séjour en métropole pour l'une comme pour l'autre. Mon précédent travail ne nous ayant pas permis de mettre beaucoup de réserves de côté et les billets d'avion ayant coûté cher, je fais les démarches pour disposer du RSA et des aides familiales auxquels nous avons droit. Je passe sur le fait qu'on me répétait sans cesse, même si j'étais parfaitement au courant et que je n'attendais rien de ce côté là, que ma femme ne serait pas comptée dans les calculs des aides puisqu'elle n'est pas française, et j'en viens directement à la situation qui concerna mon fils.
Comme dit plus haut, il est à la fois malgache (même si ça a été compliqué à cause de l'administration actuelle du pays en question, mais c'est une autre histoire) et français, dit "né à l'étranger". Avant de me présenter à la rencontre prévue à la CAF pour assurer les bonnes démarches nécessaires, j'avais réuni tous les papiers que ce même organisme m'avait demandés d'apporter suite à un entretien précédent, dont l'acte de naissance de mon fils et une photocopie d'une pièce d'identité, en l’occurrence son passeport.
Lorsque vient mon tour, j'arrive au guichet en expliquant la situation à la personne qui me reçoit, comme quoi je venais pour intégrer mon fils au calcul des aides auxquelles nous avons droit. D'abord très plaisante avec moi, il paraît que je suis un gars plutôt sympathique, elle commence à tiquer lorsqu'elle parcoure l'acte de naissance, bien officiel, mais émanant de l'ambassade de France à Madagascar plutôt qu'une mairie quelconque comme elle doit avoir l'habitude de voir. D'un coup, la méfiance s'installe entre elle et moi et elle me fait comprendre qu'elle n'est pas certaine de pouvoir intégrer mon fils à mes droits. Je lui demande pourquoi puisqu'il est français et actuellement présent sur le territoire français et que ce sont, a priori, les seules conditions requises pour cela. Et voici sa réponse, magnifique : "Français, oui, peut-être, mais né à l'étranger !" Je me permets de lui demander ce que ça change, elle me rétorque alors : "Comment nous pouvons être surs qu'il est bien français ?"
Pour parler vulgairement, j'en suis resté sur le cul. J'étais déjà venu à deux rendez-vous pour m'assurer de bien faire toutes les démarches dans les règles et pour me renseigner sur tous les documents à apporter. J'avais déjà précisé le cas un peu particulier de la situation, prévoyant bien qu'ils ne devaient pas voir cela tout le temps, et on m'avait assuré qu'il n'y aurait aucun problème. Et le jour où je viens finaliser tout le processus avec tous les papiers, de l'administration française, demandés, on me rétorque que mon fils n'est peut être pas assez français car il a eu l'outrecuidance de sortir du ventre de sa mère ailleurs que sur notre cher territoire ? Le monde est vaste pourtant, statistiquement, il avait effectivement toutes les chances de naître ailleurs !
J'arrive néanmoins à garder mon calme et à demander à cette femme comment mon fils pourrait avoir un acte de naissance français et un passeport français s'il subsistait un seul doute sur sa nationalité. Elle me répond alors, toute étonnée : "Ah bon, il a un passeport ?" J'ai failli aboyer "Bah ouais, parce que rentrer illégalement en France à partir de Madagascar, c'est un peu compliqué pour un gamin de neuf mois. On y a pensé, mais il n'a pas encore assez d'endurance pour nager 800 km entre l'île et le continent africain avant de marcher sur 8 000 bornes !" mais j'ai gardé ma bouche fermée et j'ai simplement désigné la photocopie de passeport qu'elle avait devant elle, avec les autres documents, mais qu'elle n'a pas du remarquer (inconsciemment ou intentionnellement, je ne veux même pas le savoir). Elle l'a examinée, une bonne minute, dans tous les sens, avant de me dire "Ah oui, en effet, bon bah il ne devrait pas y avoir de problème alors !" Et son sourire est revenu comme s'il ne s'était rien passé.
Je n'ai plus rien dit, à part un "au revoir" lorsque tout fut fini, alors que pourtant je pense que si, il doit y avoir un problème. Sinon, pourquoi un agent public de l'administration française pourrait-il déclaré sans ciller et avec insistance qu'un Français né à l'étranger n'est pas vraiment comme un Français né sur le sol officiel ? Pourquoi ces gens se permettent-ils d'apporter leur propre jugement là où la loi leur dit pourtant qu'il n'y a rien à redire ? De quoi mon fils, neuf mois à peine à l'époque, devait être coupable pour déclencher de tels soupçons alors que tout prouve sa nationalité française, même sans passeport ?
Je n'ai pas eu à bénéficier longtemps de ces aides, je suis rapidement reparti de France et je suis actuellement de retour à Madagascar, en famille. Et même si les blancs, comme dans beaucoup de pays en voie de développement, provoquent encore beaucoup d'idées reçues qui pourraient s'apparenter à du racisme, on n'a jamais remis en cause ce que je suis ou ce qu'est mon fils.