Julie témoigne
J'ai été inscrite un temps dans une école privée hors-contrat. Je ne m'attendais pas à n'y croiser que des blonds aux yeux bleus qui me parleraient en verlan "pour que je comprenne mieux" alors que je viens de La Réunion et que je parle aussi bien français qu'eux. Des petits blonds aux yeux bleus, qui me proposeraient de me payer 300 euros un dessin, parce que je suis forte en arts plastiques et qu'ils ne veulent faire aucun effort pour aller en khâgne car "mes parents ont de quoi me payer n'importe quelle école, peu importe mon niveau". Des petits blonds aux yeux bleus qui ne me regarderaient jamais, ne me parleraient jamais, ne voudraient jamais être mes amis, mais seraient les premiers à dire que je dois forcément tricher pour avoir de meilleures notes en littérature, en arts et en philosophie qu'eux, puisque je ne suis pas une petite blonde aux yeux bleus, comme eux.
Je n'ai pas tenu trois mois et j'ai failli me jeter sous un train pour ça. Je me suis laissée insulter, j'ai laissé le racisme ordinaire me noyer parce que je pensais que je valais moins que ces gens. Il m'a fallut des années pour me remettre de ces trois mois de cauchemar. Je m'en suis relevée péniblement, pour aujourd'hui pouvoir réaliser mon rêve et entrer en licence d'histoire de l'art/archéologie dans une université publique où je suis l'égale de tous les petits blonds aux yeux bleus.