Souffre-douleurs : le documentaire

Les protagonistes

Les figures de proue de ce combat contre le harcèlement scolaire
Pour préparer ce documentaire nous avons parlé à près d’une centaine de jeunes, ou moins jeunes, qui ont été victimes de harcèlement à l’école. Nous avons parlé aux parents aussi. 
Pour signifier que ce film est un combat collectif contre le harcèlement scolaire qui n’engage pas que ceux qui y prennent la parole, ils sont donc près d’une centaine à s’être mobilisés et rendus sur notre plateau de tournage. 
Ensemble, à visage découvert, avec leurs parents pour les plus jeunes d’entre eux, ils se dressent et fixent la caméra, le regard droit.
Parmi eux, trois mineurs avec leurs parents, mais aussi trois jeunes adultes et trois parents qui ont perdu leur enfant à cause du harcèlement scolaire, prennent la parole.
 
 
Emeline a 16 ans, de grands yeux bleus et une petite voix, toute timide, toute douce. Une petite voix dont elle a décidé de se servir pour combattre le harcèlement à l’école. Une petite voix qui contraste avec sa maturité, mais qui trahit la lourdeur des cinq longues années de harcèlement subi. Emeline a été harcelée de la sixième à la seconde parce que suite à un accident, une de ses deux dents de devant était cassée et un peu grisâtre.
Dès le lendemain de la rentrée, un garçon la repère et crée une émeute autour d’elle dans la cour de récréation « Regardez, elle a des dents de castor, des dents d’argent, des dents de ferraille ». De ce jour, elle n’a cessé quotidiennement d’être insultée, humiliée, mise à l’écart, agressée physiquement aussi. Ça se passait partout, dans la cour, dans les couloirs, à la cantine… Mais aussi sur les réseaux sociaux :  « va te suicider », « tu sers à rien », « saute d’un immeuble ». Et cela a duré 5 ans.
 
 
 
Jacky, 19 ans, a été lui frappé durant toute son année de sixième par une bande de jeunes de troisième tout simplement parce qu’il était bègue. Des coups de poing, des coups de pieds dans le ventre quand il était au sol. Pour éviter qu’il ne crie, ses agresseurs lui mettaient la main sur la bouche et sur le nez. 
En manque d’oxygène, plusieurs fois, Jacky a cru mourir. A force, c’était devenu comme une petite routine. Jacky savait qu’il allait être frappé, il pensait qu’il ne pouvait rien y faire ou en tout cas il pensait qu’il valait mieux ne rien faire pour éviter que les choses ne s’aggravent.
 
 
 
Quand on voit Charlène aujourd’hui, difficile d’imaginer que cette jeune femme de 23 ans, belle, sûre d’elle et brillante a elle aussi été harcelée pendant toute la durée du collège. Aussi stupide que cela puisse paraître, c’est parce qu’elle était boulotte et fan de la chanteuse Lorie ! Isolée et humiliée, au self, elle mangeait toute seule à une table de six. 
Ses harceleurs lui jetaient du pain ou venaient lui coller du fromage fondu dans les cheveux.  Elle passait ensuite une demi-heure dans les toilettes en pleurant à essayer de se laver, de décoller le fromage fondu. Quand elle s’est aperçue que même les adultes de l’établissement, par leur absence de réaction, « validaient » le harcèlement, elle a perdu toute humanité.
 
 
 
Pour Lucas, 17 ans, c’est à cause de son homosexualité. Il avait 15 ans, il venait d’entrer en seconde. Petit à petit, tout le lycée a été mis au courant de son orientation sexuelle et a commencé à l’insulter. « PD, garage à bites, sale virus, sale microbe, tu ne devrais pas exister… ». Certains s’écartaient sur son passage pour éviter de le toucher. 
D’autres lui faisaient des croche-pieds ou le bousculaient dans les escaliers. Un jour, en un quart d’heure, il a reçu 106 messages d’insultes. Cela a duré 6 mois jusqu’à ce que sa mère soit mise au courant et décide de révéler le harcèlement dans la presse locale.
 
 
 
Jonathan, 19 ans, a lui été harcelé et sévèrement racketté pendant 6 ans, de l’âge de 10 ans à 16 ans. Au début, c’est parce qu’il est un peu enrobé. On le traite d’ « obèse », de « gros porc ». Des séances de lynchage s’organisent autour de lui pendant les récréations.
Du coup, dès que la cloche sonne, Jonathan se cache dans les toilettes, dans les couloirs ou sous un escalier. A partir de la quatrième, Jonathan a commencé à être également racketté.  Un jour, ses agresseurs lui mettent un revolver sur la tempe et lui demande 100 euros. Jonathan est en panique. Il décide de s’immoler par le feu pour en finir avec cette violence quotidienne.
 
 
 
Agathe, 15 ans, aussi a fait une tentative de suicide à cause des rumeurs lancées dans son collège et sur internet. Elle était en quatrième et une fille a raconté qu’elle couchait avec des garçons pour de l’argent, alors que c’était faux. 
Tous les jours, elle recevait entre 200 et 300 messages d’insultes sur Facebook, parfois jusqu’à 4 heures du matin :  « Tu te fais payer combien ? Je suis intéressé », « je sais pourquoi t’étais pas là, c’est parce que t’étais au bois de Boulogne », « toi, je suis sûre que t’es moins chère qu’un Happy Meal ».  Une fois, en un week-end, elle a reçu jusqu’à 600 messages. La plupart était des incitations au suicide. Là, elle s’est dit qu’elle ne servait plus à rien et qu’il valait mieux qu’elle s’en aille.
 
 
 
Et puis il y a aussi Virginie et Raphaël Bruno. Difficile à admettre, mais oui, le harcèlement scolaire tue. Leur fils Mattéo s’est pendu à l’âge de 13 ans en février 2013 à cause d’un harcèlement sévère démarré en sixième à cause de la couleur de ses cheveux. Mattéo était roux.  Au début, ce sont des insultes et des brimades. « Sale roux, tu pues », « les roux, on les brûle en enfer », « ton père a la bite rouillée ».  Petit à petit, la violence devient aussi physique, allant même une fois jusqu’à provoquer un traumatisme crânien. Tous les jours, partout, sans répit... En quatrième, Mattéo est à bout.
Et pourtant, Virginie et Raphaël ont tout fait pour éviter à leur fils d’être la cible des autres élèves : retirer Mattéo de la cantine, venir le chercher à la sortie de l'établissement scolaire, mais aussi alerter le collège sans répit. Ils ont le sentiment de se heurter à un mur. Déni, incompétence, manque de formation, relations qui se grippent ? Leurs démarches sont vaines et leurs paroles jamais vraiment prises au sérieux. Anéantis, en colère mais dignes et extrêmement identifiants, dans ce film Virginie et Raphaël se redressent pour qu'il n'y ait plus jamais d'autres Mattéo. Aujourd’hui, ils ont porté plainte contre l’établissement scolaire et contre tous ceux qui ont poussé leur enfant au suicide. 
 
 
 
Avec son mari, Nora Fraisse  a elle aussi porté plainte. Sa fille Marion s’est pendue également à l’âge de 13 ans. Pourquoi ? Parce qu’elle était trop bonne élève ? Parce qu'elle réclamait le silence dans sa classe de quatrième quand les autres faisaient la foire? Parce qu’elle était particulièrement sensible ? 
A écouter Nora, à voir les photos de Marion, difficile de se douter que ses derniers mois de vie ont été un enfer. Une adolescente ravissante, rigolote, qui avait des projets, un petit ami... Incompréhensible. D'ailleurs, quand Marion s'est suicidée, Nora et son mari n’ont pas compris. Ils ont même pensé à une peine de cœur. C’était un 13 février, veille de Saint-Valentin… 
Mais le lendemain, le choc : ils découvrent que Marion a laissé une lettre où elle révèle les raisons de son geste et le nom de ses harceleurs. Depuis, Nora essaye de comprendre. Elle mène sa propre enquête et découvre tous les jours l’horreur de la violence qui s’est déchaînée sur sa fille, notamment sur Internet, devant témoins, sans que personne ne prenne sa défense.  ​Malgré la douleur, Nora est ferme et posée. Tout en dénonçant les dysfonctionnements, elle nous interpelle pour que tous, nous nous mobilisions contre le harcèlement scolaire.