Dossier

Homosexualité : la législation à travers le monde

Dense et protéiforme, la lutte pour les droits des personnes LGBT en Afrique subsaharienne reprend du souffle à travers l’émergence de figures militantes. Issues du milieu associatif, des arts ou des lettres, ces hommes et femmes dénoncent la perpétration de crimes, tels que les viols correctifs en Afrique du Sud, et l'accroissement récent de lois homophobes.

 

Ouganda : l’homosexualité n’est pas une maladie

À 32 ans, Franck Mugisha s’est hissé à la tête de la lutte contre l’adoption d’une loi anti-gay en Ouganda. En février dernier, sous l'influence d'une pasteur évangéliste américain, le président Yoweri Museveni a en effet tenté de durcir l’arsenal législatif contre les gays, qu’il qualifie de « malades ». Depuis la période coloniale, dans ce pays d'Afrique de l'Est, l’homosexualité est déjà passible de prison à vie. Avec cette loi, le gouvernement entendait encourager  la délation des lesbiennes, gays et trans tout en interdisant toute promotion des droits LGBTI, notamment par le milieu associatif. À la tête de l’ONG « Sexual minorities Uganda » (Smug), qui fédère une dizaine d’associations LGBT  nationales, Franck Mugisha a dénoncé ce retour en arrière catastrophique. Il a notamment signé une tribune sur le quotidien britannique « The Guardian », où il affirme : « Je veux que mes compatriotes ougandais comprennent que l’homosexualité n’est pas importé de l’Occident ». En août, la Cour constitutionnelle ougandaise a finalement annulé ce texte. Mais le parlement s’atèle déjà à la rédaction d’une nouvelle version, plus « édulcorée ». Quant à Franck Mugisha, son combat a été salué, cette année, par une nomination au prix Nobel de la paix, aux côtés de quelques 277 autres candidats.

Compte twitter de Franck Mugisha : http://twitter.com/frankmugisha

 

Kenya : la plume dans l’intime

En janvier 2014, Binyavanga Wainaina, journaliste et écrivain kenyan de 43 ans déclenche un mini-séisme en diffusant un « chapitre perdu » de ses mémoires, publiées deux années auparavant. Cette figure de la littérature africaine contemporaine sort du « placard » dans une nouvelle intitulée « Je suis homosexuel, maman ». Binyavanga Wainaina met en scène de façon fictive son coming-out auprès de sa mère, mourante. Dans une seconde partie, il revient à la réalité et explique n’avoir pas pu s’entretenir à temps avec sa mère, décédée avant qu’il n’ait pu se rendre sur son lit de mort. L’auteur évoque également sa difficulté à assumer son orientation sexuelle dans ce pays où elle est illégale. Il a connu sa première relation avec un homme à l’âge de 34 ans et n’a pu, jusqu’à ses 39 ans, prononcer le mot « gay ». Cet aveu littéraire est bien un acte politique. Si au Kenya les arrestations d'homosexuels sont rares, Binyavanga Wainaina motive cette révélation tardive par l’accroissement récent de persécutions envers les LGBTI à travers le continent africain. Ce « chapitre perdu » a été publié à peine quelques jours après l'adoption d'une loi anti-gay par le Nigeria.

Compte twitter de Binyavanga Wainaina : http://twitter.com/BinyavangaW

 

Afrique du Sud : quand la photo révèle les invisibles

Zanele Muholi photographie des lesbiennes, gays, bi et trans noirs depuis 2006, année où le mariage homosexuel a été légalisé en Afrique du Sud. Cette quadragénaire érige son art en arme militante pour visibiliser les membres de sa communauté et dénoncer la persistance de certains fléaux sociaux, tels que les viols correctifs, supposés « rectifier » les orientations non-hétérosexuelles. La photographe plonge aussi tout simplement au cœur du quotidien des LGBTI de la nation arc-en-ciel et contribue ainsi à la « normalisation » de ces sexualités. Le travail de cette « activiste visuelle » suscite un engouement au-delà des frontières sud-africaines. En 2013, elle a notamment été exposée aux Rencontres d’Arles et à la Maison rouge, à Paris.

À lire : « La sud-africaine Zanele Muholi, une photographe révoltée » http://www.tv5monde.com/cms/chaine-francophone/Terriennes/Videos/Reportages/p-26680-La-sud-africaine-Zanele-Muholi-une-photographe-revoltee.htm

Site internet de Zanele Muholi : http://www.zanelemuholi.com

 

Depuis les années 70, des associations juives, chrétiennes, puis musulmanes, tentent de démontrer la compatibilité de la foi et de l'homosexualité. Les institutions religieuses leur donnent des signes d'ouverture au compte goutte.

Et si l'Eglise et l'homosexualité avaient pris le chemin de la reconciliation ? Début octobre, quelques mois après la déclaration du pape François « qui suis-je pour juger ?», des homosexuels catholiques du monde entier se sont réunis, pour la première fois, en congrès. Au même moment, au Vatican, le synode sur la famille s'apprêtait à reconnaître que « les homosexuels ont des dons et des qualités à offrir à la communauté chrétienne ». Faute d'emporter l'adhésion d'un nombre suffisant d'ecclésiastiques, la proposition a été rejetée. Mais les mots ont été prononcés. De quoi faire frémir les tenants d'une lecture littérale des textes religieux.

Chrétiens, juifs ou musulmans, depuis des siècles ceux-ci s'appuient sur la Bible et la Torah pour condamner une « abomination » ou sur le Coran pour fustiger une « turpitude ». Dans chacune des religions monothéiste, c'est l'acte homosexuel, et non les personnes elles-mêmes, qui est visé. « Cette position est intenable, voire hypocrite » estime Elisabeth Saint-Guily, coprésidente de l'association chrétienne David et Jonathan. De fait, de l'Afrique de l'Ouest évangéliste à l'Iran chiite, les textes religieux sont utilisés pour légitimer la persécution des homosexuels. Pourtant, de plus en plus de théologiens contestent ces interpretations rigoristes.

Bénédictions ou appels à la violence

Ainsi, la destruction des villes de Sodome et Gomorrhe, souvent présentée comme la punition par Dieu de l'homosexualité, pourrait tout aussi bien être celle « du viol ou du péché d'inhospitalité » si l'on en croit les travaux de Thomas Römer, bibliste et professeur au Collège de France. Conséquences de ces débats théologiques, le regard porté sur l'homosexualité varie selon les courants religieux et les pays. Tandis qu'en France les pasteurs protestants les plus progressistes donnent leur bénédiction à l'union de couple de même sexe, en Europe de l'Est des paroisses orthodoxes encouragent les actes violents à leur encontre.

« Dans le judaïsme, on va aussi de la condamnation pure et simple à l'acceptation totale », explique Franck Jaoui, porte-parole de l'association juive et homosexuelle Beit Haverim. En 2009, le rabbin israélien Ron Yossef en donnait la preuve lors d'un coming-out télévisé. Trois ans plus tard, 160 rabbins à travers le monde lui avaient apporté leur soutien. Dans certaines branches de l'islam, les lignes bougent également sous la pression des pratiquants. Ainsi en 2013, l'association Homosexuel-les musulmans 2 France ( HM2F) a ouvert à Paris, la première Mosquée inclusive d'Europe, accueillant les personnes gays et trans. L'initiative a été répliquée de Londres au Cap (Afrique du Sud) en passant par le Canada.

Pour les associations ces coups d'éclat sont des premiers aboutissements. Depuis les années 70, elles sont une poignée à tenter de prouver que la sexualité, quelle qu'elle soit,  est conciliable avec la foi. Elisabeth Saint-Guily estime que la majorité des pratiquants sont désormais prêts à se laisser convaincre, « la manif pour tous c'est un miroir déformant », estime la militante. « Dans les paroisses, dans les familles, les gens sont de plus en plus tolérants».

Aller plus loin :

Les sites des associations :

Journalistes : Laurène Daycard et Amélie Mougey